Zéro Artificialisation Nette

L’artificialisation des sols, Kézako ?

Un objet mal caractérisé

Selon le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, l’artificialisation des sols correspond à « toute surface retirée de son état naturel, agricole, ou forestier qu’elle soit bâtie ou non, et qu’elle soit revêtue ou non ». Ce terme désigne donc un changement d’usage du sol, c’est-à-dire de ses fonctions économiques et sociales, en passant d’une surface naturelle ou agricole à une surface urbanisée.

Imprécise, cette définition revient à considérer un espace vert urbain et une surface bâtie de la même façon. C’est pourquoi les professionnels de l’écologie la complètent en incluant à la fois la qualité des sols (structure, composition, activités biologiques, etc.) et celle des habitats (richesse spécifique, stratification végétale, fonctionnalité écologique, etc.) en considérant comme artificialisés « les milieux dégradés, endommagés ou détruits par l’activité humaine ». Il n’existe donc pas qu’une seule artificialisation mais bien plusieurs processus d’artificialisation, avec des degrés d’imperméabilisation et des impacts différents.

L’objectif du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et ses limites

L’artificialisation des sols un enjeu majeur de débat public et de préoccupations politiques, surtout en France. D’ailleurs, en octobre 2015, l’artificialisation des sols est intégrée aux 10 nouveaux indicateurs de richesse établis par le Gouvernement pour suivre ses politiques publiques. L’année suivante, en août 2016, c’est la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages qui est adoptée, afin d’éviter, réduire, compenser (séquence ERC) les impacts négatifs des activités humaines sur l’environnement. C’est en 2018, dans le Plan Biodiversité du Gouvernement qu’est dévoilé l’objectif du « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) d’ici 2030 afin d’endiguer l’artificialisation des sols et l’érosion de la biodiversité. Une diminution de 70% de l’artificialisation brute et la renaturation de plus de 5 000 hectares serait alors nécessaire pour répondre au ZAN.

France Stratégie, suite à la demande conjointe des ministères en charge de l’Ecologie, du Territoire et de la Ville, s’est vu chargé de la rédaction d’un rapport pour clarifier les enjeux de cet objectif et proposer des leviers pour la protection des sols. Des groupes de travail interministériels et partenariaux, de nombreux représentants de l’aménagement du territoire, des ONG (comme la LPO), ou encore la Convention Citoyenne pour le Climat ont également proposé des solutions pour se tourner vers la sobriété foncière.

Dès sa sortie, le ZAN fait l’objet de nombreux débats et critiques, avec notamment l’imprécision de la définition de l’artificialisation des sols, l’absence d’objectifs chiffrés ou encore le terme « nette » qui laisse entrevoir des objectifs de compensation plutôt que de suppression des impacts.

 

A l’échelle nationale, ce sont 47 hectares artificialisés pour 1000 habitants chaque année (France Stratégie).

Quels leviers pour la préservation de nos sols ?

Pour éviter d’axer le ZAN uniquement vers une approche contraignante, les solutions apportées se doivent d’être pluridisciplinaires, multi-acteurs et réalistes. Parmi les leviers pouvant être mobilisés, nous pouvons citer :

  • L’amélioration des connaissances des dynamiques d’artificialisation des sols.
  • La fiscalité. Aujourd’hui, elle favorise l’extension urbaine puisque le foncier naturel et agricole est moins élevé que le foncier à bâtir ou bâti. La rénovation s’avère être aussi plus coûteuse qu’un foncier vierge pour une construction neuve (Comité pour l’économie verte, 2019). La réforme des outils fiscaux en faveur de la réhabilitation, de la reconstruction ou de l’optimisation de l’existant (surélévation, modularité des bâtiments) s’avère donc être primordiale.
  • La planification territoriale intégrant les enjeux multi échelles de protection de la biodiversité : mise en cohérence des outils de planification territoriale comme les PLU(i) et les SCoT jusqu’aux règlements d’urbanisme locaux (seuil de préservation d’espaces de pleine terre à l’échelle communale et des parcelles, coefficients de biotopes par surface, inventaires de pollutions de sols, etc.).
  • La densification des villes en exploitant des terres déjà artificialisées ou bâties, tout en garantissant l’habitabilité de ces espaces.

 

Revoir nos modes de développement, une priorité.

L’artificialisation en quelques chiffres…

En France, on estime entre 16 000 à 61 000 hectares l’augmentation des territoires artificialisés par an. Cet écart s’explique par des méthodologies d’analyses différentes, tant en termes de résolution spatiale, que de nomenclature de terres comptabilisées comme artificialisées.

En plus d’avoir une artificialisation moyenne supérieure à ses voisins européens, la France possède également une croissance des sols artificialisés plus rapide que celle de la population. D’après les données Teruti-Luca (enquête annuelle de terrain), les terres artificialisées seraient passées de 3 millions d’hectares en 1980 à 5,1 millions aujourd’hui, représentant ainsi une croissance de 70%, contre 19% pour celle de la population à cette même période (France Stratégie, 2019).

La dynamique de croissance de l’artificialisation est très inégalement répartie sur le territoire national, en se concentrant principalement sur les métropoles et les zones côtières. La forte demande pour l’habitat individuel et le développement des réseaux routiers sont les deux principaux responsables de l’artificialisation des sols.

Quels sont les principales conséquences de l’artificialisation des sols ?

L’IPBES (The Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services), équivalent du GIEC de la biodiversité, estime à 1 million le nombre d’espèces animales et végétales menacées d’extinction par la perte nette d’habitat. La France, véritable carrefour européen maritime et terrestre, abrite environ 10% de la biodiversité mondiale. Le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), l’Office Français pour la Biodiversité (OFB) et l’Observatoire National de la Biodiversité (ONB) estiment que 26% de ces espèces sont menacées d’extinction ou éteintes à cause de l’artificialisation.

La destruction et la fragmentation des habitats naturels et des continuités écologiques par étalement urbain (progression en périphérie des villes) et par mitage (construction isolée en milieu rural) sont les premières causes de cette perte de biodiversité. Le cycle de vie des espèces est ainsi perturbé, impactant leur nourrissage, leur migration ou encore leur reproduction.

Un sol artificialisé est un sol où les possibilités d’accueil pour la biodiversité locale sont restreintes et où la qualité et la quantité des services écosystémiques rendus par un sol non artificialisé ne sont plus garanties (stockage du carbone, régulation de la qualité de l’air, infiltration des eaux, pollinisation, etc.).

Source : Sinteo

La 6ème extinction massive de la biodiversité et les changements climatiques sont des réalités qu’il est difficile de nier. Fruit de l’activité humaine non maîtrisée sur Terre, cette crise environnementale dans laquelle l’Homme s’inscrit aujourd’hui le contraint à revoir le fonctionnement de tous ses systèmes, révolutionnant ainsi les modes de pensée et de développement.

 

Face à une réglementation qui se durcit et à la complexité des démarches, voici quelques conseils

Quel accompagnement dans les projets de construction ou de rénovation ?

  • Le choix du foncier: réalisez une étude du contexte réglementaire à toutes les échelles du territoire ainsi qu’une évaluation des enjeux de biodiversité de la parcelle. S’il est aisé d’éviter de sélectionner des parcelles classées en zone naturelle, agricole ou forestière par l’étude de documents d’urbanisme, d’autres paramètres peuvent être à risque comme la présence ou la distance avec un corridor et/ou un réservoir de biodiversité protégé ou non.
  • La valeur écologique de la parcelle: outre le contexte, l’étude de la parcelle est indispensable afin de se prémunir de tout risque réglementaire. Un foncier non protégé peut localement abriter des espèces animales et végétales protégées mais aussi rares localement. Les cahiers de prescriptions architecturales et paysagères peuvent par exemple aller au-delà de la réglementation et contraindre les opérations par des objectifs performanciels. Un diagnostic écologique proportionné aux enjeux est ainsi indispensable pour sécuriser un permis de construire, d’éventuels recours et contrôles de l’autorité environnementale.
  • Le projet architectural et paysager: grâce au diagnostic écologique réalisé et aux choix des espèces cibles qui en découlent, des préconisations de l’écologue permettent d’adapter le projet à son contexte : en limitant l’emprise au sol, en conservant de la pleine terre, en créant des biotopes hétérogènes, attractifs et fonctionnant comme de véritables écosystèmes, tous en lien les uns avec les autres. En traitant le projet dès sa programmation, l’écologue accompagne promoteurs, foncières, architectes, paysagistes et bureaux d’études vers des opérations à biodiversité positive.

Une réflexion à poursuivre…

Les sols artificialisés sont le résultat et le lieu de vie des hommes et de leurs activités. L’immobilier, secteur à forts enjeux, est donc un des leviers pour tout changer. Sinteo œuvre pour un immobilier post-carbone : faire mieux avec moins…En nous tournant davantage vers des projets de rénovation ou de construction neuve sur des milieux déjà artificialisés.

Au-delà du contexte sanitaire actuel, le ZAN reste sur les devants de la scène et nous amène à considérer avec plus d’attention les espaces de pleine terre, réponse à bien des enjeux actuels et futurs auxquels nous devons faire face. L’objectif étant d’agir, ensemble, dans le sens de la requalification urbaine, de la restauration écologique et de la rénovation énergétique.

La préservation du foncier et surtout de la biodiversité du sol est primordial pour créer de bonnes conditions écosystémiques. Un sol de pleine terre actif est aujourd’hui une ressource rare et précieuse. Revitaliser un sol dégradé par des travaux de renaturation coûte une fortune (de 100 à 400€/m² hors coût de déconstruction) : préservons les sols de valeur !)